Le blanchissement des anémones de mer met en péril les poissons-clowns

Selon une étude scientifique internationale – menée par une équipe de scientifiques de France, du Chili, du Danemark et du Royaume-Uni qui a travaillé au CRIOBE, station de recherche en Polynésie française – qui vient de paraitre dans la revue Functional Ecology, le réchauffement climatique, en constante augmentation, à un impact sur les récifs coralliens mais plus particulièrement sur le comportement et la physiologie des poissons-clowns.

Le blanchissement des anémones de mer met en péril les poissons-clowns | Criobe

Les travaux de recherche du Criobe, avaient déjà démontrés précédemment l’impact du blanchissement des coraux causé par le réchauffement climatique sur les écosystèmes. Cette nouvelle étude révèle que ce blanchissement intervient également sur les anémones de mer avec des effets cascades sur les poissons-clowns. Au-delà de cette espèce, 12% des poissons de récifs vivent en association avec les anémones qui sont mis en danger par le réchauffement climatique, une incidence donc réelle pour toutes les activités humaines lié aux poissons récifaux, du tourisme à l’alimentation.

Comme les humains, de nombreux animaux ont une maison, c’est-à-dire un abri où ils se sentent à l’aise, en sécurité et ont facilement accès à la nourriture. Sur les récifs tropicaux, par exemple, les anémones abritent les poissons-clowns. Les tentacules urticants des anémones sont l’endroit idéal où les poissons-clowns se cachent des prédateurs, se nourrissent et se déplacent, grandissent, se reproduisent et pondent leurs œufs. Cependant, le changement climatique provoque des évènements massifs de blanchissements d’anémones dans le monde entier. Lorsque les anémones blanchissent, elles ne perdent pas seulement leur couleur, mais aussi les algues qui vivent dans leurs tissus et qui fournissent de l’énergie aux anémones et aux poissons-clowns. Suite à une hausse de la température de l’eau et au blanchissement, les anémones peuvent survivre, mais la phase de récupération peut être longue et durer plusieurs mois.

Une équipe internationale

Une équipe de scientifiques de France, du Chili, du Danemark et du Royaume-Uni a travaillé au CRIOBE, une station de recherche de Polynésie française, pour comprendre comment les poissons-clowns réagissent lorsque leur maison est endommagée par le changement climatique, c’est-à-dire lorsque leur anémone est blanchie. « Nous avons récemment découvert qu’une exposition de deux semaines au blanchissement augmente le métabolisme des juvéniles de poissons-clowns », a déclaré Suzanne Mills, directrice d’études à l’École pratique des hautes études (EPHE) PSL Université Paris, CRIOBE, France. « Comme le blanchissement peut durer plusieurs mois dans la nature, nous voulions comprendre s’il y a des effets cascades sur le comportement, la physiologie et la croissance des juvéniles ou si les poissons-clowns sont capables de s’acclimater à vivre dans une anémone blanchie ».

L’équipe internationale a exposé 47 juvéniles de poissons-clowns sauvages à des anémones blanchies, ainsi qu’à des anémones saines, pendant plusieurs mois dans le lagon de Moorea. L’équipe a mesuré le comportement, le métabolisme et la croissance des poissons après un mois de vie dans des maisons saines ou blanchies. Chaque mesure a été répétée un mois plus tard, c’est-à-dire après deux mois d’exposition. Enfin, la survie des poissons-clowns a été suivie pendant neuf mois. À partir de cette expérience, les scientifiques ont constaté que les poissons vivant dans des anémones blanchies pendant plus d’un mois diminuent progressivement leur métabolisme, réduisent leur croissance et modifient leur comportement, devenant ainsi moins actifs.

« La croissance réduite et la diminution progressive du taux métabolique des poissons qui vivent dans les anémones blanchies peuvent s’expliquer par une réduction de l’alimentation », explique l’auteur principal, Daphne Cortese, doctorante à l’École pratique des hautes études (EPHE) PSL Université Paris, CRIOBE, France, et précise que « si les poissons ne peuvent pas avoir suffisamment de nourriture par leur environnement, ils devront modifier leur comportement afin de se nourrir davantage. L’activité et le mouvement sont importants pour s’alimentater ainsi que pour défendre le territoire chez les poissons-clowns, mais ils exigent également beaucoup d’énergie. Même si les poissons qui habitent dans des anémones blanchies passent plus de temps hors de leur anémone, ils sont moins actifs et se déplacent moins autour de l’anémone, ce qui suggère une incapacité à ajuster leur alimentation pour faire face à la plus faible quantité de nourriture disponible ».

Les écosystèmes des récifs coralliens en péril

« Dans les environnements où la nourriture est limitée, il peut être avantageux de diminuer le métabolisme, mais il y a une limite à la décroissance du métabolisme sens affecté les fonctions physiologiques de base et nous n’avons pas observer de stabilisation avec le temps », a ajouté Tommy Norin, co-auteur de l’étude et physiologiste de l’Institut national des ressources aquatiques de l’Université technique du Danemark. « Cette observation, associée à une croissance plus faible et à un comportement modifié, suggère que les poissons-clowns des anémones blanchies sont énergétiquement désavantagés et qu’il y a un impact de plus en plus négatif du blanchissement des anémones au cours du temps plutôt qu’une acclimatation des poissons à la nouvelle condition ».

« Tous les traits de l’organisme sont interconnectés et si l’énergie, le carburant, fait défaut, cela peut avoir des conséquences tout au long de la vie. Par exemple, la taille est souvent cruciale pour la compétition et la reproduction et une taille réduite au stade juvéniles peut compromettre la forme physique à des stades suivant », a expliqué le co-auteur Ricardo Beldade, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) au CRIOBE, France et maintenant professeur associé à la Pontificia Universidad Católica de Chile.

« Dans cette étude, nous avons étudié l’effet du blanchissement sur les poissons sauvages vivant dans des conditions naturelles, ce qui est nouveau et donne une image plus réaliste de l’effet du changement climatique dans la nature » a ajouté le co-auteur Amélie Crespel, de l’Université de Glasgow et maintenant de l’Université de Turku, en Finlande.

« Jusqu’à présent, les scientifiques se sont surtout intéressés aux effets directs du blanchissement sur les coraux et aux effets de la mortalité des coraux induite par le blanchissement sur la communauté des récifs coralliens. Cependant, nos résultats suggèrent que même si les coraux et les anémones survivent après des épisodes de blanchissement, cela n’est pas sans coût pour leurs communautés associées qui structurent les écosystèmes des récifs coralliens », a déclaré le professeur Shaun Killen, de l’université de Glasgow, et conclut : « Dans l’ensemble, nos résultats mettent en évidence la gravité des épisodes de blanchissement et soulignent la nécessité de réguler les actions humaines qui contribuent aux événements liés au changement climatique, comme le blanchissement ».

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Contact académique : Suzanne Mills
Centre de Recherche Insulaire et Observatoire de l’Environnement (CRIOBE)
EPHE, PSL Université Paris, USR 3278 CNRS-UPVD
Laboratoire d’Excellence “CORAIL”
BP 1013 Moorea – 98729 Polynésie française
Suzanne.mills@ephe.psl.eu
www.criobe.pf

 

Source : Cortese, D., Norin, T., Beldade, R., Crespel, A., Killen, S., & Mills, S.C. Physiological and behavioural effects of anemone bleaching on symbiont anemonefish in the wild. Functional Ecology. 2021;00:1–11.

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